Lien vers le site de la commune de Plogonnec
Lien vers le blog de Jean-yves Cordier
L’expertise d’André Bozec :
LA CHAPELLE DE SAINT PIERRE LANGOULIT.
Le site de la chapelle de Saint Pierre Langoulit fut à l’origine occupé par la chapelle seigneuriale des Sires de Névet et de Pouldavid. Une très longue querelle fiscale entre ces derniers et l’évêque de Cornouaille mena à son délaissement puis à sa ruine complète. L’édifice actuel a été construit à la fin du XVIe siècle dans le contexte politique assez particulier de la guerre de la Sainte Ligue catholique. Cet édifice a pu, malgré les apparences, être un temple du rite protestant à l’époque où les seigneurs de Névet ont su naviguer au gré de leurs intérêts politiques et financiers entre deux obédiences religieuses. La construction de l’édifice a continué au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle.
1° L’extérieur de la chapelle Saint Pierre Langoulit.
C’est un édifice du XVIe siècle en forme de croix latine qui s’inspire largement dans sa distribution et sa régularité de la chapelle de Saint Elo. Elle a été construite entre 1588 et 1594, pendant la guerre de la Ligue catholique, par le seigneur Claude de Névet. Il apparaît ponctuellement des réemplois d’éléments plus anciens : porte sud de la nef, fenêtres nord-est et sud-est du transept. A bien des égards et sans y paraître de prime abord cette chapelle est à rapprocher de celle de Ty Mamm Doue en Kerfeunteun. Elle en est contemporaine et il n’est pas impossible que la même équipe d’artisans y ait travaillé.
Le pignon ouest est du XVIIe siècle. L’on voit nettement la reprise d’ouvrage en conséquence sur le mur nord de la nef. Le clocher, du XVIIIe siècle, à une balustrade et est cantonné de canons de pierre. La chambre des cloches est surmontée d’un dôme bulbé et d’un lanternon. La tourelle du côté nord contient l’escalier d’accès au clocher qui domine la vallée du Névet. Au nord, l’appareillage de la nef est assez soigné, et la sacristie est du XVIIe siècle.
A l’est, le chevet est plat et est percé par une fenêtre à quatre lancettes. L’appareillage est dans l’ensemble assez soigné avec ça et là quelques petits décrochements et des boulains béants.
La façade sud et le mur sud-ouest du transept sont ornés par deux belles portes gothiques avec des fleurons et des pinacles. La porte sud de la nef est très certainement un réemploi de la précédente chapelle. La façade occidentale est encadrée par d’imposants contreforts. Elle reprend les ordres classiques avec ses deux colonnes galbées et cannelées à chapiteaux ioniques et un fronton triangulaire, comme à l’église du Juc’h. La porte à voussures est bloquée par une clé feuillagée en agrafe.
L’édifice comporte diverses inscriptions à l’extérieur. Du côté sud, sur la porte de la nef : I. QVEO. 1608. Puis sur la face ouest du transept : BELINGER. 1588. H. LAGALLAN puis : QVERNALEVEN. FAB. 1591. Sur le pignon ouest on lit à la gauche : J. JONCOUR. 1613, et à droite : Y. MAP. 1614. Plus haut : 1678. Sur la tourelle accostant le clocher : DOARE. CHAPELAIN. 1759. Sur le dôme, côté du midi : HENRY OMNES DE ROZAVEIL. 1765. La cloche porte : RENE HENAF DE KERRERVOUAN F. 1675. La façade nord de la chapelle porte l’inscription suivante : M. Y : NOHOUARN PRESTRE : ET CHAPELAIN. G. LE DOARE. F. 1674.
2° L’intérieur de la chapelle Saint Pierre Langoulit.
A l’intérieur, la chapelle est intégralement dallée. Sur la paroi nord de la nef figure la dédicace de la chapelle en 1594 :
CLAVIGERI TEMPLI QUOD LONGUM DIRUIT AEVUM
CLAUDIUS HIC NEMEUS PRIMUS FUNDAMINA JECIT
TERTIUS HENRICUS FRANCOS CUM JURE REGEBAT
POBTIFICE ET SUMMO SIXTO TUM PROESULE CARLO
AC HUMILIS PASTOR LODOICUS SACRA MINITRAT 1594
La chapelle de saint Pierre étant tombée de vétusté
Claude de Nevet s’avisa de la rebâtir
Sous le règne d’Henri III, roi de France,
Le pontificat de Sixte (V), l’épiscopat de Charles (de Liscoët)
Et le rectorat de Louis (le Noy), son humble.
(Source : Dilasser Maurice, Un pays de Cornouaille – Locronan et sa région, Nouvelle librairie de France, Paris, 1979).
Un grand crucifix de bois polychrome du XVIe siècle est placé à côté de l’inscription murale. Le Christ y est traité de façon maniériste avec un visage inhabituellement allongé et des bras très fins. Il devait à l’origine se trouver placé sur une poutre de gloire.
Dans le cœur, le maître autel teinté à la sanguine comporte sous le tablier une tête à triple visage. Il est surmonté d’un retable en bois de 1677 du maître sculpteur Jean Le Déan. Les deux niches latérales sont ornées des statues de Saint Pierre et de Notre Dame et sommé des armes en miroir de René le Rouge de Trolin, sieur de Penfeunteunyo qui épousa en 1662 Marie de Névet, sœur de Malo de Névet.
Le transept sud comporte un joli petit autel bordé de colonnettes à nids d’abeilles. L’on y trouve une Vierge-Mère en bois polychrome foulant au pied une Ève serpentée, sans doute de la fin du XVIe siècle, et une statue de Saint Jean l’évangéliste en bois polychrome du XVIe siècle. Dans une petite armoire sacraire, une statue contemporaine de granit reproduit celle en bois polychrome du XVIe siècle que l’on ne présente au public que le jour du pardon.
Le transept nord comporte en son angle nord-est une statue de bois polychrome du XVIe siècle à double personnages de Sainte Anne enseignant à la Vierge. Le socle de cette statue est orné d’une tête d’angelot. Le livre ouvert de la statue comporte une mention relative à sa restauration en 1859 avec la mention suivante « RESTAURATEUR / DE LA CHAPELLE // Mr DUPONT 1859 // RECTEUR // Mf MANGEAUS / / GUEGUEN // peintre » avec le texte écrit en noir.
L’autel implanté au nord-est est fait d’un assemblage assez simple de pierres taillées. Il accueille une statue en bois polychrome du XVIe siècle de Marie Magdeleine, recyclée en Vierge, avec ses mains jointes sur le haut de la gorge. Cette statue était à l’origine placée sur la même poutre de gloire que celle du Christ de la nef. Elle a été repeinte, sans doute en 1859, aux couleurs mariales actuelles.
Au nord-ouest, la sablière est ornée de façon originale avec en plus des éléments habituels un cortège composé d’une girafe, d’un éléphant et de leur gardien en chapeau melon ! Il s’agirait d’une évocation d’une ambassade du berlerbey d’Alger Uluç Ali Pacha au près du Roi de France Charles IX, en 1572, soit quelques décennies au par avant de la construction de la chapelle.
3° Le calvaire de la chapelle Saint Pierre Langoulit.
Le calvaire est un assemblage anachronique qui reprend des éléments du vieux calvaire réalisé par Rolland Doré (XVIe siècle) placés sur une base bien plus ancienne. L’on y retrouve une pierre hémisphérique assez ancienne qui symbolise la voûte céleste. Le socle hémisphérique comporte l’inscription suivante sur deux lignes :
« QUID TIBI MORTIFEROS PEPERIT SIC XPS DOLORES
QVID QVOQVE VESTE TVA SPOLIAVIT.AMOR ».
(D’ou vient que tu souffres, O Christ, jusqu’à en mourir,
d’où vient que te voilà nu, vêtements arrachés ? La seule réponse est Amour).
Ce texte a été rédigé par Louis Le Noy, recteur de Plogonnec de 1596 à 1623.
Les personnages sont la Vierge, Saint Paul, Saint Jean, Saint Pierre. L’on trouve une pièce sommitale de calvaire remisée au bout nord de l’autel nord-est du transept. Cette pièce haute de près d’un mètre, figure d’un côté un Christ sans bras, et de l’autre un Vierge à l’enfant Jésus.
4°) La fontaine de la chapelle Saint Pierre Langoulit.
La fontaine de dédicace de la chapelle de Saint Pierre Langoulit se trouve dans une prairie sise en contremont sud-ouest de la chapelle. L’édifice, en simple appareillage, émerge d’un talus de dénivelé. Il est sommé à l’ouest d’une pierre demi ovoïde de dédicace. L’ensemble se distribue sur trois niveaux. Au premier en hauteur un fronton de pierres simples encoché d’une petite niche prévue pour recevoir la statue du saint. Puis en second niveau une cuve quadrangulaire sommée au sud d’un arc monolyte concave. Et en de ça du tout, vers le nord-est, un déversoir assez basique pour retrouver le niveau naturel de la prairie.
Près de cette fontaine se trouve sur la gauche en descendant une pierre plate qui servait habituellement à brûler des ajoncs pour extraire de la soude nécessaire à la réalisation de savon. Juste un peu plus haut, se trouve une pierre étrange en granit local. Cette pierre est en forme de demi-amande. Elle fait 94 cm de large, environ 30 cm d’épaisseur et 110 cm de long. Elle a manifestement été découpée à sa base actuelle.
Le pardon de Saint Pierre se célèbre le premier dimanche d’août.
André Bozec