La porte du porche de l’église saint Thurien

L’église de Plogonnec comporte un porche placé au plein sud de l’édifice. Son ouverture est de style roman ainsi que sa porte de fonds qui donne accès à la nef de l’église.

Ce porche date sans doute du XIVe siècle et se trouvait à l’origine au pignon ouest de l’édifice primitif. Lors de la séquence d’agrandissement de l’église au XVIe siècle, pour aller plus vite, en faisant du neuf avec du vieux, et a moindre coût, l’on a replacé ce porche au plein sud. Il résulte de la manœuvre un réagencement bancal assez discret. Le dévers apparaît toutefois sur le callage entre les rinceaux gothiques de la voute et les bases romanes ré usitées. Le porche ainsi transposé fait à peu prêt quatre toises sur quatre.

Au dessus de ce porche se situe une pièce assez modeste en proportion qui servait de bureau pour la fabrique. Ce sera en suite la première mairie de Plogonnec. L’on y accédait alors par un escalier de bois intérieur, tel que celui qui se retrouve actuellement à l’église de Guengat.

Ce porche a une double finalité artistique et sociale : c’est pour qui vient de l’extérieur un repli abrité de part sa profondeur, et c’est aussi un lieu de triomphe pour les mariés qui en sortent avec un effet théâtral.

Et pour fermer le tout nous avons une porte en bois.

Du premier abord se pose la question des dimensions de cette porte. Concrètement elle fait 225,00 cm de haut, 149,5 cm de large, et 5,00 cm d’épaisseur. Elle est d’un seul tenant. Le ratio entre sa base carrée et sa voûte relève du nombre d’or. Le placement des quilles de gonds de part et d’autre laisse à penser à une formule initiale d’une ouverture à double battants. Mais à y voir de plus près, une telle solution ne nécessiterait pas des quilles de si large diamètre. Nous sommes donc, dès le départ sur la formule d’un battant unique. Ce battement a toutefois été inversé dans un second temps, comme l’attestent la présence de gonds d’égale largeur de chaque côté de la porte. L’épaisseur des gonds vient conforter le fait d’un support à la portée d’un seul battant. La porte est fixée à ses deux supports par huit points de fixation en fer sur chaque traverse de bois. L’ensemble est resté d’aspect brut à l’intérieur tandis que de très nombreuses couches de peinture à la sanguine se retrouvent du côté extérieur.

Toutefois une interrogation demeure sur ses dimensions : elles sont de l’ordre du centimètre pile. Ceci me conduit à considérer deux étapes supplémentaires dans la vie de cette porte.

1°) Une reprise de l’encadrement du tout sur fait de mesures au centimètre à une date inconnue mais du temps de l’application de ce système métrique, soit après 1791. A y voir de plus près les pièces tenantes anciennes des divers panneaux sont soit légèrement plus minces que l’encadrement où alors ont pu être rabotées de l’arrière. Par ailleurs, le décalage d’arc du sommet de la porte par rapport à la courbe de la voûte d’ouverture est assez conséquent entre 3 et 5 cm, ce qui fait quand même beaucoup et qui a trouvé son illustration par le placement judicieux d’un tampon de cuir sur la course de l’arc pour faire l’étanchéité du tout. Nous devons cette heureuse initiative à l’ancien et dernier bedeau de l’église de Plogonnec, Monsieur Albert Tandé, sellier bourrelier de profession, qui tint cette charge depuis l’après guerre jusqu’en 1987.

2°) Une inversion de son sens d’ouverture à partir du montant métrique existant que l’on constate actuellement sur le montant gauche de la porte qui comporte à la dimension exacte des percements les éléments d’ouverture qui aujourd’hui sont à poste sur le montant droit.

Il semble donc que jusqu’à présent la formule d’une porte unique ait été d’usage en ce lieu, avec une simple inversion du sens d’ouverture entre temps, après 1791.

A y regarder de plus près, il semble aussi que certaines pièces de panneaux et d’inter-montage sont, de part la finesse de leur ornementation, le fait d’artistes extérieurs et plus anciennes que l’entourage. Concrètement, les artistes auraient fournit leurs œuvre sous la forme de panneaux et de montants intermédiaires. Le charpentier du coin aura sans doute eu la charge d’emboiter le tout, à 0,5 cm près dans un premier temps, et ensuite le tout aura été repris dans un entourage à dimensions métriques, puis après il a été procédé à une inversion du sens d’ouverture avec inversion des serrures et loquets. Il est à noter pour le montage que le chevillage n’apparaît que sur les pièces longues. Cette technique est identique aux pratiques locales en matière de mobilier.

Pour son illustration cette porte se distribue sous cinq registres. Le registre supérieur évoque le ciel avec le Christ. Les deux registres suivant font la liaison entre le ciel et la terre. Les deux derniers évoquent la terre.

Le premier registre à compter du bas est très simple. Il est constitué de deux panneaux rectangulaires avec cadre et un montant intermédiaire orné d’un motif végétal. Il n’y aucune ornementation des panneaux.

Le second registre se compose de trois panneaux rectangulaires avec cadre et de deux montants intermédiaires. Les panneaux extérieurs sont ornés de motifs végétaux, ainsi que les deux montants qui les séparent du panneau central. Celui-ci est orné d’un motif floral.

Le troisième registre se compose de deux panneaux rectangulaires et d’un montant intermédiaire. Les panneaux extérieurs sont avec cadre et placés horizontalement sur leur longueur. Ils sont ornés chacun d’un angelot volant avec sa paire d’aile et soutenant de chaque côté un fil orné sur deux niveaux de deux nœuds glantés. Le montant central est d’une seule pièce et comporte un personnage placé sur un socle tronconique et encadré de rinceaux végétaux. Ce personnage masculin semble avoir comme une très grosse ceinture qui descend jusqu’à ses pieds. Ce pourrait-être saint Jean le Baptiste.

Le quatrième registre se compose de trois panneaux qui sont emboités dans la base voutée de la porte. Les panneaux extérieurs sont d’une seule pièce, celui du centre est à cadre. Le panneau latéral gauche est orné par un personnage imberbe placé sur un socle tronconique. Il est vêtu d’une dalmatique. Ce pourrait être saint Étienne, second patron de la paroisse. Le panneau latéral droit est orné par un personnage en habit épiscopal, avec mitre. Ce pourrait être saint Thurien, le premier patron de la paroisse. A sa gauche, le restant du panneau est orné d’un motif à rinceaux végétaux. Le panneau central est orné d’un angelot volant avec sa paire d’aile et soutenant de chaque côté une treille de raisin.

Le cinquième registre comporte trois panneaux. Le panneau central n’est que partiellement emboité dans le cadre de la porte et son sommet est aussi celui de la voute de porte. Il est orné d’un personnage barbu placé sur un socle tronconique. Il semble qu’il s’agit tout simplement du Christ. Les deux panneaux latéraux sont chacun d’un seul tenant et sont ornés d’une tête d’angelot avec sa paire d’aile.

Cette porte ne possède pas de mention de date. Seuls quelques graffitis récents apparaissent ça et là. La forte usure générale des ornements à forme humaine rend leur identification assez incertaine. Mais l’ensemble répond à une logique religieuse conforme au culte local. Le registre supérieur évoque le ciel avec le Christ. Les deux registres suivants se réfèrent au ciel avec une lecture verticale du Christ à saint Jean le Baptiste, et horizontale de saint Thurien à saint Étienne. Le tout est accompagné par les angelots. Les deux registres inférieurs se réfèrent au monde terrestre avec les fleurs et les feuillages, et le vide des panneaux du bas. Le style général des différents panneaux fait penser à une réalisation de la seconde partie du XVIe siècle, peut-être du début du XVIIe siècle, avec une reprise des montants et des traversants du début du XIXe siècle.

Le 8 octobre 2010

André BOZEC

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