1945-1946
Quelques mentions relatives à l’utilisation d’un commando de prisonniers…
A la fin de la seconde guerre mondiale, monsieur Jean-Marie Hascoët, exploitant agricole à la ferme de Keryacob-Vraz, près du hameau de Saint Albin, avait su plaider auprès des autorités départementales la cause de l’enclavement routier assez insolite de son exploitation. Malgré les réticences à l’échelon communal, il fut décidé alors de créer une route de liaison plus directe vers le hameau de Saint Albin, l’actuelle voie communale numéro douze. Cette section routière permettait ainsi le désenclavement du hameau vers l’ouest. Elle nécessitait la mise en place de buses pour le franchissement du ruisseau de Kergueven à Pont ar Rodou.
Ces travaux furent réalisés en régie directe, mais avec pour originalité l’utilisation d’une main d’œuvre constituée de prisonniers de guerre allemands. Le nombre de prisonniers s’élevait à trente-quatre individus au début du chantier. Ils venaient d’un camp d’internement provisoire établi à Quimper. Ce commando était structuré en trois sections de dix prisonniers. Chaque section était encadrée par un chef de section, lui-même prisonnier, et les trois sections elles-mêmes encadrées par un chef de commando, lui-aussi prisonnier.
Ce commando était supervisé par un agent français, monsieur Jean-Marie Pouliquen. Ce groupe était régi selon les conventions internationales sur les prisonniers de guerre. Sa mise à disposition relevait d’une convention particulière qui régissait leur hébergement, leur ravitaillement, leurs jours et conditions de travail, leur santé.
En contrepartie de journées de mise à disposition de charroi, monsieur Hascoët avait le droit d’utiliser ces prisonniers en renfort pour les gros travaux agricoles de sa ferme.
Dans les faits cette présence de prisonniers ne créa pas de problème hormis l’attitude négative du seul prisonnier SS de ce groupe. Les prisonniers avaient leur dortoir situé à l’étage d’un bâtiment grange. Leur cuisine était au rez de chaussée. Ils s’étaient aussi construit à côté un petit baraquement qui leur servait de cambuse.
Les horaires de travail de ces prisonniers étaient plus que décents. Ils finissaient à dix-huit heures le soir, ce qui à la longue leur permettait d’aller donner des coups de mains dans les fermes environnantes, contre la garantie d’un bon souper.
Cela les conduisit à prendre une part active pour combattre l’incendie de la ferme de Kergoat-Ker en 1946. Lors du sinistre, les prisonniers présents prirent l’initiative d’organiser le cheminement des seaux pour éteindre le feu ; ils remplissaient et chargeaient les seaux et les apportaient sur le site, les femmes les redescendaient pour refaire la boucle.
Les évasions furent rares. Le suivi médical des prisonniers laissait à désirer et bien souvent ce furent les paysans qui les recevaient qui durent les soigner. Au cours de l’année 1946 le groupe diminua en fonction de l’avancement des travaux et des diverses mesures relatives à la libération graduée des prisonniers. Entre temps, ces prisonniers purent aussi recevoir des nouvelles, bonnes ou mauvaises, de leurs familles, ainsi que des colis de ravitaillement.
De cette présence allemande, il ne reste plus à Keryacob que quelques anneaux fixés à l’étage d’une grange pour tenir les bâtis de couchage, et une route pentue qui dévale vers un ruisseau charmant et discret.
André BOZEC